PAS BOUGER
Création du Théâtre de l’Acte :
PAS BOUGER
Texte d’Emmanuel Darley
- Mise en scène : Marie-Angèle Vaurs
- Lumières : Christian Toullec
- Costumes : Nathalie Guillot
- Avec :
-
Alejandro Moreù
Quentin Siesling
Public : tous publics
Durée : environ 1h30
A se définit essentiellement par le fait qu’il « marche » droit devant lui, en route vers son destin. Il a une sorte de but à atteindre, qui oriente toute son existence, qui soutient sa volonté : il doit rencontrer une cycliste. Il est entièrement concentré sur cet objectif, capital, semble-t-il, pour son avenir. Il est dynamique, actif, positif. Cet individu ne nous est pas inconnu. Il nous ressemble : impatient, minutant ses performances, préoccupé par le temps qui passe, par l’inquiétude de l’action à accomplir, angoissé à l’idée de « perdre son temps », prêt aussi à toutes les combines lui permettant de s’arranger avec la réalité. Il est seul face à son destin, sans nom, sans famille.
B est à l’opposé un être granitique, une sorte de roc, ancré à la terre, soudé au sol, compact, obstiné, accroché au « Pas bouger » qui le constitue. Il a lui aussi quelque chose à accomplir, mais il ne le cherche pas activement. Il attend le signe. Il n’est pas seul : il appartient à une communauté, celle des Ming, nom générique désignant tous les êtres immobiles et parfaitement semblables. Il vit avec les éléments, en contact étroit avec eux, lumière, soleil, vent, pluie, nuages, jour et nuit, lune, orage. Ses préoccupations relèvent de l’essentiel absolu : procréation, naissance, mort …B nous est profondément étranger. Il vient d’un autre monde, d’une autre planète.
Puis, il se passe cette rencontre inouïe, impossible entre ces deux êtres que tout oppose. « Pas bouger », premiers mots prononcés par B, stoppent la marche de A, comme pourrait le faire un panneau « STOP ». B s’impose donc immédiatement avec une force extraordinaire, capable d’arrêter le projectile en mouvement qu’est A. Malgré lui, A commence une conversation, s’informe, questionne, oublie pour un moment son objectif, accepte même de faire une entorse à son « rythme » pour répondre à la demande du premier Ming.
Une sorte d’amitié finit par s’établir au fil des rencontres. Un rapprochement s’opère qui va amener B à accomplir l’inimaginable, à s’extraire de sa gangue de sel, à bouger. En contrepartie pourrait-on dire, c’est B qui va voir à la place de A la cycliste tant attendue, et qui, finalement va délivrer A de cette recherche, l’amener à « passer à autre chose ».
Une image s’est imposée à mon esprit en lisant cette histoire : l’image d’une girafe rencontrant un pingouin.
Deux êtres « impossibles », parfaits chacun dans son genre mais absolument étrangers l’un à l’autre. Cette situation-là dégage d’elle-même une dimension de comique, qu’il convient d’exploiter et de développer théâtralement. Il y a matière à tout un travail d’acteur passionnant… On est obligé en quelque sorte de revenir aux sources
- sources de la parole : Ming n’a « pas ouvert bouche depuis longtemps », il réapprend à parler. D’où viennent les mots ? Comment arrive-t-il a les former ?
- sources du mouvement : comment « bouger » quand depuis toujours on ne bouge pas ? Et A, qui est toujours dans le mouvement comment se comporte-t-il dans l’immobilité ? Il y a un langage du corps à inventer, une « geste » propre à chacun des personnages à faire émerger. Le comique viendra aussi de cette maîtrise des corps.
On est dans un espace totalement abstrait, non référentiel. Des faisceaux lumineux tracent des lignes, dessinent des espaces différents suivant les évènements du récit.
Il s’agit de laisser respirer le texte, de le restituer dans sa nudité avec le maximum de rigueur. Rien de froid cependant ; au contraire, dans cette rigueur même, dans la précision des corps en mouvements ou immobiles s’ancre l’émotion, le rire, la détresse, la vie…